jueves, 18 de septiembre de 2014

Robert Desnos ― “La Voz” / “Le Voix”

Tan semejante a la flor y a la corriente de aire
al curso del agua a las sombras pasajeras
a la sonrisa vislumbrada aquella famosa noche a medianoche
tan semejante a toda la felicidad y a la tristeza
es la medianoche pasada alzando su torso desnudo por encima de las torres
y de los álamos
llamo a mí a los perdidos en los campos
los viejos cadáveres los viejos robles talados
los jirones de tela pudriéndose sobre la tierra y la ropa secándose
a los alrededores de las granjas
llamo a mí a los tornados y a los huracanes
las tempestades los tifones los ciclones
los maremotos
los temblores de tierra
llamo a mí al humo de los volcanes y al de los cigarrillos
a los círculos de humo de los puros de lujo
llamo a mí a los amores y los enamorados
llamo a mí a los vivientes y a los muertos
llamo a mí a los sepultureros, llamo a los asesinos
llamo a los verdugos, llamo a los pilotos los albañiles los arquitectos
a los asesinos
llamo a la carne
llamo a la que amo
llamo a la que amo
llamo a la que amo
la medianoche triunfante despliega sus alas de satén y se posa sobre mi lecho
las torres y los álamos se pliegan a mi deseo
aquellos se derrumban aquellos se desploman
los perdidos en el campo se reencuentran al encontrarme
los viejos cadáveres resucitan por mi voz
los jóvenes robles talados se cubren de verdor
los viejos jirones de tela pudriéndose en la tierra y sobre la tierra crujen
por mi voz como el estandarte de la revuelta
la ropa secándose en los alrededores de la granja viste adorables mujeres
que no adoro
que vienen a mí
obedecen a mi voz y me adoran
los tornados giran en mi boca
los huracanes enrojecen si pueden mis labios
las tempestades rugen a mis pies
los tifones si es posible me despeinan
recibo los besos de embriaguez de los ciclones
los maremotos vienen a morir a mis pies
los temblores de tierra no me estremecen pero hacen que todo se desplome
a una orden mía
el humo de los volcanes me viste con sus vapores
y el de los cigarrillos me perfuma
y los círculos de humo de los puros me coronan
los amores y el amor tan largo tiempo perseguidos se refugian en mí
los enamorados escuchan mi voz
los vivientes y los muertos se someten y me saludan
los primeros con frialdad los segundos con familiaridad
los sepultureros abandonan las tumbas apenas cavadas y declaran que sólo yo
puedo mandar los nocturnos trabajos
los asesinos me saludan
los verdugos invocan la revolución
invocan mi voz
invocan mi nombre
los pilotos se guían por mis ojos
los albañiles sienten vértigo al escucharme
los arquitectos parten hacia el desierto
los asesinos me bendicen
la carne palpita a mi llamada

la que amo no me escucha
la que amo no me entiende
la que amo no me responde.

(Versión de Rubén Fuentemayor)

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Poema original en francés:

Robert Desnos ― “Le Voix”

Si semblable à la fleur et au courant d’air
au cours d’eau aux ombres passagères
au sourire entrevu ce fameux soir à minuit
si semblable à tout au bonheur et à la tristesse
c’est le minuit passé dressant son torse nu
au dessus des beffrois et des peupliers
j’appelle à moi ceux-là perdus dans les campagnes
les vieux cadavres les jeunes chênes coupés
les lambeaux d’étoffe pourissant sur la terre et le linge
séchant aux alentours des fermes
j’appelle à moi les tornades et les ouragans
les tempètes les typhons les cyclones
les raz de marée
les tremblements de terre
j’appelle à moi la fumée des volcans et celle des cigarettes
les ronds de fumée des cigarres de luxe
j’appelle à moi les amours et les amoureux
j’appelle à moi les vivants et les morts
j’appelle les fossoyeurs j’appelle les assassins
j’appelle les bourreaux j’appelle les pilotes les maçons et
les architectes
les assassins
j’appelle la chair
j’appelle celle que j’aime
j’appelle celle que j’aime
j’appelle celle que j’aime
le minuit triomphant déploue ses ailes de satin
et se pose sur mon lit
les beffois et les peupliers se plient à mon désir
ceux-là s’éroulent ceux-là s’affaissent
les perdus dans la campagne se retrouvent en me trouvant
les vieux cadavres ressuscitent à ma voix
les jeunes chênes coupés se couvrent de verdure
les lambeaux d’étoffe pourissent dans la terre et sur la terre
claquent à ma voix comme l’étendard de la révolte
le linge séchant aux alentours des fermes habille d’adorables femmes
que je n’adore pas qui viennent à moi obéissent à ma voix et m’adorent
les tornades tournent dans ma bouche
les ouragans rougissent s’il est possible mes lèvres
les tempètes grondent à mes pieds
les typhons s’il est possible me dépeignent
je reçois les baisers d’ivresse des cyclones
les raz de marrée viennent mourir à mes pieds
les tremblements de terre ne m’ébranlent pas
mais font tout crouler à mon ordre
la fumée des volcans me vêt de ses vapeurs
et celle des cigarettes me parfume
et les ronds de fumée des cigares me couronnent
les amours et l’amour si longtemps poursuivis se réfugient en moi
les amoureux écoutent ma voix
les vivants et les morts se soumettent et me saluent
les premiers froidement les seconds familièrement
les fossoyeurs abandonnent les tombes à peine creusées
et déclarent que moi seul puis commander leurs noctures travaux
les assassins me saluent
les bourreaux invoquent la révolution
invoquent ma voix
invoquent mon nom
les pilotes se guident sur mes yeux
les maçons ont le vertige en m’écoutant
les assassins me bénissent
la chair palpite à mon appel
celle que j’aime ne m’écoute pas
celle que j’aime ne m’entend pas
celle que j’aime ne me répond pas


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